Après le covid, les patients réapprennent à vivre à la clinique d'Aressy
Ils ont connu une forme sévère de coronavirus. En détresse physique et psychique, ils intègrent ce service pour se reconstruire
Elle est la seule à proposer un service de soins et de réhabilitation post-Covid 19 dans tout le Béarn. Près de Pau, la clinique d'Aressy s'est portée volontaire pour être le « deuxième maillon » de la prise en charge.
Mardi 7 avril, elle a accueilli ses deux premiers patients en provenance de l'hôpital palois. Deux autres sont arrivés le lendemain. Ces personnes ont toutes traversé des phases aiguës de la maladie, et sortent de plusieurs semaines d'hospitalisation, parfois même du service de réanimation. Épuisées, amaigries, déshydratées, dépendantes, elles sont à reconstruire.
Spécialisée dans les pathologies cardiaques et pulmonaires, la clinique d'Aressy a la connaissance de la reconstruction physique et psychique.
« On a l'habitude d'accompagner des crises aiguës, des post-trauma, explique le Dr Philippe Laurent, pneumologue. Par sa brutalité, le coronavirus s'apparente à l'accident cardiaque. Nous avons des compétences sur les maladies respiratoires. En tant que médecins, deux possibilités s'ouvraient à nous : aller apporter notre aide à l'hôpital ou faire quelque chose ici. On a préféré se situer dans une logique de soins dès que ces patients vont mieux afin de libérer des lits dans les hôpitaux »
Toute une aile de la clinique a été dédiée à l'unité post-Covid 19 . « Elle est totalement sanctuarisée, explique la directrice de la clinique Sabine Borali. Sur la base du volontariat, notre personnel s'est mobilisé. Trois soignants sont présents en permanence. Le service est piloté par trois pneumologues. »
Si actuellement, quatre patients sont pris en charge, la clinique a mis à disposition une quinzaine de lits mais peut accueillir huit malades maximum avec le personnel actuel . Ils peuvent y rester quelques jours comme plusieurs semaines.
« Il faut les remettre complètement sur pied »
Deux hommes et deux femmes sont actuellement en soins à Aressy. Ils ont tous plus de 80 ans.
« Ils sont très épuisés, témoigne le Dr Marie Bénichou, pneumologue. Les deux dames étaient très autonomes avant. Elles ne sont pas passées par la réanimation mais sont extrêmement fatiguées. Les personnes âgées connaissent des symptomatologies digestives, des diarrhées. Nous récupérons les patients amaigris, déshydratés, sous oxygénothérapie. Il faut les remettre complètement sur pied. »
Les deux hommes, quant à eux, présentaient une forte comorbidité avant le coronavirus. L'un d'eux a dû être admis en soins intensifs à l'hôpital de Pau.
« On pèse le risque avec ce type de patients », poursuit le Dr Bénichou.
« Il faut leur redonner du muscle, leur faire remonter les marches qu'ils viennent de dégringoler, décrit le Dr Laurent. À leur âge, certains pourraient décrocher. Pire, garder des séquelles. »
L'isolement psychologique
S'ils sont sur le chemin de l'amélioration, la guérison n'est pas encore acquise. La contamination est un risque toujours présent . « Pour qu'ils arrivent chez nous en service de soins et de réhabilitation, ils ont tous connu au moins dix jours de symptômes suivis de 48 heures d'amélioration, décrit le Dr Bénichou. On sait que le virus a quatre semaines d'évolution. Quand les patients arrivent, ils peuvent être encore potentiellement contagieux. Sans les résultats des tests, on ne peut pas savoir si le virus est vivant ou mort. »
© Crédit photo : David le Deodic
Les précautions sanitaires sont d'usage. On entre dans l'unité en blouse, charlotte, lunettes, gants et masque. Les visites sont interdites.
"Ces précautions nous empêchent d'aller et venir comme on veut dans les chambres, ajoute le Dr Bénichou. À chaque fois, il faut s'habiller et se nettoyer. On y va seulement quand on a besoin de voir les patients.
« Ça renforce malheureusement ce sentiment d'isolement psychologique. Certains d'entre eux ont déjà passé un mois à l'hôpital sans voir personne d'autre que les soignants. »
Le moral, voilà une autre tâche immense que les médecins ont à traiter. « On ne parle pas assez de cette composante psychologique, estime le Dr Laurent. Comment refaire le psychisme ? »
« La médecine est une longue chaîne »
Après leur passage à la clinique d'Aressy, ces patients pourront directement rentrer chez eux ou être en convalescence dans un établissement du troisième maillon comme la clinique des Acacias à Gan. Et avoir enfin de la visite.
Les pneumologues et soignants d'Aressy ont un rôle primordial sur ce chemin vers la guérison. « La médecine est une longue chaîne, nous ne sommes rien tout seul. »
Même si les patients admis sont en voie de guérison, les précautions sont de mise à la clinique d'Aressy. Ils sont encore potentiellement contagieux.
© Sud Ouest - Crédit photo : David le Deodic
