Douleur neuropathique, ces moyens insolites pour traiter la douleur (2/2)
À l’Unité Douleur de la clinique Bouchard de Marseille, ne soyez pas surpris si on vous propose du piment pour soigner vos douleurs neuropathiques. Non pas que les médecins algologues, spécialisés dans les douleurs, veuillent vous voir virer au rouge, mais pour traiter certaines pathologies, l’aliment originaire d’Amérique leur est très utile (voir partie 1). Il en va de même pour la toxine botulique A bien connue dans le langage courant sous le terme de “botox”.
“Nous voulons bannir le recours systématique à la morphine dans les traitements, c’est pourquoi nous avons recruté des médecins algologues, spécialisés dans l’hypnose et les techniques innovantes de traitement de la douleur, pour développer au maximum les procédés non médicamenteux", précise David Fleyrat le directeur général de l’établissement.
Que ce soit pour une migraine, une lombalgie ou une sciatique, les équipes de soins prennent d’abord la température avec le patient en lui faisant rencontrer, en une après-midi, un ensemble de praticiens afin d’échanger avec le patient sur toutes les dimensions de sa problématique douloureuse et bénéficier d’une batterie de tests. "Dans ce temps très court, on cherche à déterminer l’origine de la douleur et le protocole de soins le plus approprié. On essaye de répondre aux attentes du patient très rapidement notamment dans les contextes d’urgence douloureuse, en leur permettant d'avoir un rendez-vous médical dans le mois qui suit leur demande", précise le docteur Elena Kereun, médecin algologue à la clinique Bouchard.
Pour traiter les douleurs nerveuses, l’équipe du docteur Kereun mise sur une approche holistique de la prise en charge. C’est-à-dire une vision "intégrale" du patient dans toutes ses dimensions, tenant compte de ses aspects physiques et sensoriels de la douleur mais aussi des émotions, des pensées et de son comportement associé à cette douleur particulière qui dure dans le temps, ainsi que des dimensions sociales, environnementales et professionnelles qui sont impactées ou impactantes dans l’histoire de vie et le vécu douloureux du patient.
Le botox, ça ne sert pas qu’à la chirurgie esthétique
La toxine botulique de type A est un vrai moyen thérapeutique. Certes, son utilisation la plus fréquente consiste à "rendre" une nouvelle jeunesse au visage en effaçant certaines rides, mais elle a aussi le pouvoir de soulager les douleurs neuropathiques rebelles aux traitements conventionnels.
Tout comme la capsaïcine, l’utilisation de cette toxine n’est possible qu’en cas d’échec thérapeutique conventionnel. "On utilise ce champ de compétences pour traiter les douleurs neuropathiques périphériques dont le territoire est peu étendu et notamment là où la douleur est provoquée par un simple contact ou effleurement et/ou associée à une réponse musculaire anormale. La toxine agit sur les récepteurs de la douleur, donc le nocicepteur TRPV1 et sur certains messagers de la douleur comme la substance P et le CGRP impliqués dans l’inflammation neurogène et la douleur."
Pour utiliser cette technique, on réalise une délimitation de la zone de douleur puis on pratique une injection intradermique tous les 1, 5 cm pour couvrir l’ensemble de la surface à traiter. Les dosages de toxine sont très faibles pour éviter une action sur le muscle.
De plus en plus de publications scientifiques sont éditées pour expliquer et soutenir l’intérêt de cette innovation thérapeutique. "La neurotoxine a un effet antalgique direct en agissant sur les récepteurs de la douleur et une action indirecte en limitant le cercle vicieux de la sensibilisation à la douleur au niveau périphérique (les fibres nerveuses) et central (moëlle épinière et cerveau) puisqu’elle module les neurotransmetteurs impliqués notamment dans la douleur neuropathique. Or c’est précisément cette sensibilisation qui est responsable de "l’hyperalgésie" qui fait que le patient voit sa douleur s’étendre, s’amplifier et devenir chronique".
À la clinique Bouchard, les spécialistes l'utilisent pour faire un traitement ciblé. Une trentaine de patients ont déjà pu expérimenter ces nouvelles méthodes de soins. Au vu de l’efficacité des résultats, il faudra sûrement agrandir les lieux du centre spécialisé puisqu’en France, près de 6 millions de personnes souffrent de douleurs neuropathiques.
