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Les communs : derrière les portes de la clinique

On les croise tôt le matin, avant que la clinique ne s’éveille vraiment. Mais que font Anne-Marie et Delphine dès 6h ? Rencontre avec celles qui assurent l’organisation, le linge et la propreté des lieux.

 

Anne-Marie : « Ça fait 5 ans que je suis aux communs, 3 ans en CDI et 2 ans auparavant en remplacement. Ce service correspond à mon rythme de vie. Même si j’étais bien en service à une époque, les mentalités ont changé. »

Delphine : « Moi je suis arrivée en avril. Avant, j’ai été aide-soignante 7 ans et j’ai travaillé un an aux parties communes à l’hôpital. Là-bas, il y avait toujours quelqu’un de 6h à 21h. Ici, pas de week-end, je finis tôt et je peux m’occuper de mon fils tous les soirs. On est un binôme efficace, et on sait que c’est notre travail qui a été fait la veille. »

 

Vous êtes souvent les premières à arriver le matin. Que faites-vous exactement ?

Anne-Marie : « On arrive, on embauche à 6h. Delphine commence par faire le ménage de l’accueil, les couloirs du RDC, pendant que moi, le lundi et le jeudi c’est le jour de réception du linge. Je fais mes inventaires, je réceptionne le linge et ensuite je livre dans les services. Après ça, je fais l’administratif, tous les bureaux du 2e et 3e étage, puis on se partage le 1er étage avec tous les bureaux des médecins, une dizaine environ, et les couloirs. »

Delphine : « Il y a aussi les allers-retours aux poubelles à l’extérieur, on fait les vestiaires, le service HAD… mais il faut juste prendre quelques affaires car le chariot ne va pas jusqu’au bâtiment de l’HAD. On a un stock de produits et de poubelles directement là-bas. »

Vous gérez aussi les stocks et les dotations ?

Anne-Marie : « Pour tout ce qui est réserve de produits, c’est moi qui gère les stocks et la distribution en fonction des dotations et des stocks effectifs, le mercredi et vendredi. Normalement, c’est la même dotation à chaque fois, mais j’adapte en fonction des besoins. Les services ont évolué récemment, et les dotations ne sont plus toujours adaptées, notamment pour le SMR et la chirurgie. Il faut que je sois là avec un représentant de chaque service pour parler des besoins et manques de chacun, pour établir de nouvelles dotations. »

Delphine : « L’avantage d’être aux communs, c’est qu’on est que toutes les deux. On connaît notre travail, notre organisation, et on sait que s’il y a une erreur le lendemain, ça vient forcément de nous. »

Et le linge, comment ça se passe ?

Anne-Marie : « On reçoit les blouses des professionnels, des médecins, et le linge de lit. On récupère les blouses des médecins dans leurs bureaux et on leur remet des blouses propres, normalement une par semaine. Ce n’est pas eux qui ont une corbeille à blouse sale, c’est à nous de les trouver quand on nettoie le bureau. 

 On reçoit les blouses des professionnels, des médecins, et le linge de lit. On récupère les blouses des médecins dans leurs bureaux et on leur remet des blouses propres, normalement une par semaine. Ce n’est pas eux qui ont une corbeille à blouse sale, c’est à nous de les trouver quand on nettoie le bureau. »

Delphine : « Pour le linge de lit, Anne-Marie fait l’inventaire dans les services et recharge en fonction de la dotation et de la commande. Elle a un stock en bas dans les chariots, mais il manque une pièce de stockage correcte. Le week-end, certains viennent se servir directement dans les chariots… C’est important de laisser un mot pour que le stock reste correct. »

Anne-Marie : « On doit aussi gérer le linge des chambres prestige. Je peux maintenant accéder à Web100T pour anticiper le stock de peignoirs et de serviettes de toilette selon le nombre de patients. »

Quels sont les principaux défis de votre travail ?

Anne-Marie : « Le gros problème, c’est le manque de communication avec les équipes dans les services, pour la gestion des stocks, du linge, pour aussi la lingerie, le respect du protocole du lave-linge et du sèche-linge… »

Delphine : « Parfois les stocks fluctuent selon l’activité chirurgicale. Si beaucoup de blocs vont en chirurgie, on utilise des couvertures tissus. Quand c’est majoritairement ambulatoire, c’est du jetable. Anne-Marie s’adapte très bien à ça. Du coup, quand c’est moi qui fais les commandes en son absence, je commande parfois un peu trop parce que je n’ai pas son expérience ! aha »

Anne-Marie : « Je suis aussi tributaire de la direction pour valider mes commandes. Et pour le matériel comme les balais, il faut passer par Marie-Paule ou Mme Timbert DSSI. »

 

Une partie de votre travail passe souvent inaperçue…

Delphine: « Tout AHA ! Tout passe inaperçu parce que personne ne voit vraiment ce qu’on fait tôt le matin. Même l’accueil, je le fais à 6h30, et dès 8h on dirait qu’on n’a rien fait. On le fait tôt aussi pour éviter qu’il y ait trop de monde et des traces de pas. »

Anne-Marie : « Evelyne disait ‘quand t’es aux communs, il ne faut pas te retourner’. Ce sont forcément des lieux de passage, alors si on doit repasser tout le temps, on n’en sort pas. Exemple flagrant : la porte en verre. Je la fais tous les matins, et pourtant certains poussent directement sur le verre. À 8h, il y a déjà des traces, et on dirait que je n’ai rien fait ! »

Delphine : « Le HAD et la pharmacie sont aussi des problématiques. On doit composer avec la présence des équipes pour faire le ménage correctement. On ne peut pas tout faire avant que tout le monde arrive, sinon il faudrait travailler de 3h à 6h ! C’est frustrant, car on ne voit pas la satisfaction du travail bien fait. »

 

Y a-t-il un moment de votre journée que vous appréciez particulièrement ?

Delphine : « La pause café, vers 9h30. Ça nous permet de nous retrouver, de couper la journée et de manger un bout parce qu’on ne déjeune pas à 5h du matin ! »

 

Le rythme matinal et la sécurité le matin, comment le vivez-vous ?

Toutes les deux : « On préfère travailler le matin que l’après-midi. Même dans nos professions antérieures, on préférait être de matin. »

Delphine : « Pour la sécurité, c’est compliqué. Quand je suis à l’accueil et Anne-Marie aux bureaux, je n’ai aucun moyen de communication. On aurait besoin de talkies-walkies. Avec tout ce qui s’est passé ces derniers temps, je ne suis pas très rassurée, parfois je referme une fois la livraison du linge faite pour être plus sereine. »

Que souhaiteriez-vous que vos collègues retiennent de votre métier ?

Anne-Marie : « Respecter notre travail. Parfois, on n’est pas considérées comme des collègues à la même hauteur. L’ASH est au bas de l’échelle, mais on est essentielles et sans nous, ça ne tournerait pas pareil. »

Delphine : « On a perdu de la rigueur et de l’entraide entre les équipes. C’est dommage. »

Anne-Marie : « On aimerait un chariot neuf, pour mieux ranger, à l’abri de la poussière, avec assez d’attaches pour les balais. Le nôtre roule de travers, ce n’est ni ergonomique ni pratique. »

 

Anne-Marie et Delphine

 

À la rencontre des ESH : Colette & Sylvie, au cœur de l’hygiène et de la vie des services

Quelle est votre journée type en service ?

« En chirurgie et au SMR, on embauche à 7h30, on va chercher les petits déjeuners, on les distribue, puis on les ramasse. On fait le point avec les équipes sur les départs du jour. C’est un moment important pour nous, d’avoir les transmissions infirmières afin de connaitre les infos et l’état du service. Ensuite, on attaque le ménage dans le service et les chambres, on répond aux sonnettes si besoin, gère le linge sale, évacue les déchets. On va chercher les chariots des plateaux repas midi et soir, on distribue selon les consignes IDE et on débarrasse après.

Au début, notre rythme et nos tâches étaient différents : nous étions beaucoup plus dans les soins, on aidait les aides-soignantes, on connaissait le matériel, il y avait un véritable esprit d’équipe. On continue dans cet esprit, mais la communication a diminué et notre charge de travail a beaucoup évolué. Aujourd’hui, certaines IDE et AS nous aident uniquement lors des grosses journées où nous sommes sous l’eau. »

 

Un “départ” de chambre, combien de temps cela vous prend-il ?

« Normalement, un départ, c’est au moins 15 minutes. Il faut défaire la chambre, nettoyer l’environnement, la salle de bain, les placards… et refaire le tout pour que la chambre soit prête pour un nouveau patient. Maintenant, on n’a plus le temps de faire des tâches comme les vitres, car il faut aussi aider les équipes et répondre aux sonnettes. »

Travailler auprès des patients, est-ce un plus pour vous ?

« Oui, bien sûr. Ça nous a “forcées” à aller vers les gens en début de carrière. Quand les patients sont agréables, c’est plaisant. Les patients du SMR restent plus longtemps, donc le relationnel est différent : ils finissent parfois par nous appeler par notre prénom, demander des nouvelles, s’ouvrir à nous… Pendant qu’on fait le ménage, on discute, et parfois ils nous confient des choses qu’ils ne diraient pas forcément aux équipes soignantes. »

La communication entre équipes est-elle essentielle ?

« Oui, autant dans nos équipes, on garde encore de la communication, mais ce qui manque le plus, c’est le lien entre ESH des différents services. Avant, on s’entraidait, on faisait le lien entre le 2e et le 3e étage, maintenant il y a un gros clivage. »

Avez-vous des regrets ou des difficultés dans votre métier ?

« Les nouvelles générations manquent parfois de rigueur, ont une façon de faire différente. On se sent moins soutenues par la direction, tout le monde fait ce qu’il veut sans contrôle. Les nouvelles ne sont pas toujours assez doublées pour comprendre l’importance de notre rôle. Deux jours max ne suffisent pas pour se rendre compte de la rigueur et de l’organisation qu’il faut. »

Quelles qualités faut-il pour être ESH ?

« Il faut de la rigueur, être à l’écoute, savoir travailler en équipe et être organisée. »

Un moment marquant dans votre carrière ?

« Les décès de patients ont été difficiles au début, il fallait s’en occuper, les habiller…

Heureusement, ça a bien évolué. Colette se souvient d’un patient mécontent qui devait passer au bloc à 18h : trois jours plus tard, il était décédé, ça a été un choc. Mais il y a aussi des moments positifs : voir l’évolution des patients du SMR grâce aux kinés, à l’APA, c’est très beau. »

Les patients ont-ils changé avec le temps ?

« Oui, ils sont plus exigeants mais globalement moins agressifs. Cela va avec le côté “hôtellerie” : ils payent, donc ils ont des attentes plus importantes, c’est normal. »

 

ESH services soins

Que voudriez-vous que vos collègues retiennent de votre métier ?

« Nous ne sommes pas assez valorisées. On est un maillon important de la chaîne des soins.

Notre rôle dépasse le simple fait de “faire le ménage”. Pour offrir les meilleurs soins, il faut d’abord un environnement propre et sécurisé pour les patients et les équipes. »

« Notre rôle : entretien et désinfection des locaux et des services. On traque les microbes invisibles mais dangereux pour la santé, avec des produits et protocoles spécifiques. On assure un service sûr, propre et agréable pour accueillir les patients. C’est un vrai métier qui demande rigueur et énergie. »

 

Marion, ESH au bloc opératoire : “Passionnant, intéressant et surprenant”

Depuis combien de temps es-tu parmi nous ?

« Je suis arrivée au mois d’août, donc 3-4 mois à peu près. Avant, j’ai travaillé en maison de retraite, où je faisais du ménage, du soin et de l’hôtellerie. »

Pourquoi le bloc opératoire ?

« Mon ancien travail ne me plaisait plus du tout, je faisais fonction d’aide-soignante, beaucoup de choses ont changé et je n’étais plus à l’aise. Je travaillais les week-ends et j’étais très fatiguée. J’ai vu l’annonce pour le bloc, je me suis dit “pourquoi pas postuler” ? C’est de nouveaux horizons, de nouvelles expériences. Pour l’instant, je m’y plais bien ! C’est différent car il faut être plus technique, mais les bases restent les mêmes, je ne pars pas de zéro. »

Quelles sont tes missions principales ?

« Faire le bionettoyage des salles entre deux opérations et à la fin de la journée, nettoyer les salles entièrement. On sort le matériel stérile, on amène les bacs de décontamination devant les salles, puis à la stérilisation. »

À quoi ressemble une journée type ?

« Chaque journée est différente selon la programmation. Certaines sont très chargées, d’autres plus calmes. Nous sommes trois ESH. Le matin, le premier arrive à 7h30, ouvre le bloc, fait couler l’eau chaude pour la légionellose, prépare nos chariots, les bacs de décontamination et nettoie toutes les salles avec un bionettoyage des surfaces avant que le bloc ouvre, même si elles ont été faites la veille au soir.

On suit la planification pour savoir quelles salles utiliser, quand elles seront libres et prêtes pour le nettoyage. On coche tout sur notre planning papier en temps réel. On participe aussi au remplissage des masques, bonnets, savons… On récupère nos serpillères envoyées en nettoyage la veille. Certaines salles, comme l’ophtalmo, sont rapides à nettoyer, mais d’autres, comme l’orthopédie, nécessitent plus de temps et de minutie.

Celui du milieu aide les collègues selon les besoins, et le soir, l’ESH termine les salles, ferme le bloc, vérifie le rangement et prépare les chariots pour le lendemain. On s’occupe aussi des sabots et des poubelles du vestiaire. Tout devient assez automatique avec le temps. »

 

Combien de temps pour nettoyer une salle entre deux interventions ?

« Théoriquement 5 minutes, mais parfois 10 à 15 minutes. En ophtalmo, 5 minutes suffisent, mais en ortho, avec du sang, de la bétadine et parfois des bouts d’os, il faut plus de minutie. »

La collaboration avec les équipes médicales ?

« On communique beaucoup avec les infirmières de salle, elles nous indiquent quand la salle est libre ou s’il y a des changements à prendre en compte. »

Des précautions spécifiques au bloc ?

« En orthopédie, on utilise plus de détergent que de désinfectant car c’est plus sale. Toujours porter des gants pour les produits et les risques infectieux. Pour un patient infecté, on adapte, par exemple avec des gants qui montent jusqu’au coude. »

Travailler au bloc te plaît ?

« Oui, j’aime le médical. Cela me permet d’observer les interventions sans avoir d’ambitions d’études longues. Les débuts n’ont pas été déroutants : en maison de retraite, il y avait aussi du sang, des escarres, des selles… donc j’étais préparée ! »

Quelles qualités sont indispensables ?

« Être rigoureux, très attentif à l’hygiène et aux risques infectieux. Il faut éviter les restes de sang ou de bétadine, qui sont des portes d’entrée aux infections nosocomiales. »

Un moment marquant ces derniers mois ?

« Le premier jour était très chargé en informations ! Je me suis perdue souvent et le soir, j’étais épuisée. Une fois, je suis arrivée dans une salle complètement recouverte de sang : c’était impressionnant ! »

Ton métier en trois mots ?

« Passionnant, intéressant et surprenant aha. »

 

ASH bloc

 

Nous remercions chaleureusement Colette, Sylvie, Marion, AnneMarie et Delphine pour leur disponibilité et le temps précieux quelles nous ont accordé pour partager leur quotidien.

Leur témoignage met en lumière l’importance de leur rôle et la rigueur de leur métier. Nous pensons également à l’ensemble des ESH de la clinique, qui, chaque jour, contribuent avec professionnalisme et dévouement à la qualité des soins et au bien-être des patients.