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Dans les pas d’Alix et de Maëlle, diététiciennes au Pôle Santé République

 

Parmi les piliers ancestraux de la médecine, aux côtés de la chirurgie et des traitements médicamenteux, se trouve une discipline trop souvent reléguée au second plan : la diététique. Héritée des enseignements d’Hippocrate et des sages de l’Antiquité, elle visait autrefois à équilibrer les humeurs du corps par une alimentation pensée comme un soin. Aujourd’hui encore, cette idée se perpétue, en blouse blanche et baskets, dans les couloirs de la clinique Pôle Santé République de Clermont-Ferrand.

Le premier service diététique, au PSR, remonte à décembre 2006. À l'époque, ce poste était partagé entre un temps diététique et un temps infirmier, ceci jusqu'en 2010, avant qu'Alix, diététicienne engagée ne prenne le relais. « J’ai commencé à mi-temps, puis progressivement, le poste s’est étoffé, jusqu’au temps plein en 2014 », me raconte-t-elle. À ses côtés, Maëlle complète ce binôme de choc. Ensemble, elles assurent le suivi nutritionnel de nombreux patients, tous âges confondus - hormis les enfants - dans tous les services de la clinique. Un métier de l’ombre mais ô combien essentiel, surtout dans le cadre de spécialités sensibles comme la cancérologie.

Quand manger devient une thérapie

Ici, on ne parle plus de "régime", un mot trop souvent associé à l’amaigrissement, mais d’"alimentation thérapeutique", car le rôle des diététiciens en milieu hospitalier ne se limite pas à surveiller une assiette. Il commence dès l’arrivée du patient avec le dépistage systématique de la dénutrition, parfois avant même la demande du médecin. « Un IMC trop bas, une pathologie digestive, une perte de poids inexpliquée ou simplement un signal d’alerte d’un soignant : ce sont nos déclencheurs », détaille Alix. S’ensuit une enquête minutieuse. Est-ce la fatigue ? Le moral en berne ? Une nourriture mal adaptée ? Ou un simple oubli de dentier à la maison ? Tout compte, même la capacité physique à ouvrir un yaourt qui n'osera être dit à une infirmière ou un médecin.

Une fois le diagnostic établi, le travail d’adaptation commence. Il faut personnaliser les repas tout en respectant les contraintes médicales, enrichir les plats pour répondre aux besoins accrus, proposer des astuces simples - un peu de fromage râpé dans la soupe, une noisette de beurre, un jus de viande - et parfois recourir aux compléments nutritionnels. Et comme tout bon professionnel, elles goûtent ce qu’elles proposent. « Mes préférés en ce moment sont les crèmes DELICAL® », confie Alix, quand une autre peut pencher parfois pour une version fruitée. Une question de goût, qui n'est pas le même pour tout le monde… mais surtout de respect pour les patients.

Le quotidien au service de l’humain

Du lundi au vendredi, de 9h à 17h, Alix et Maëlle naviguent d’un service à l’autre, apportant leur expertise autant que leur écoute. En cancérologie, leur présence est encore plus marquée. Elles interviennent dès l’annonce du diagnostic, pour accompagner les patients tout au long de leur parcours : chimiothérapie, hospitalisation et même convalescence à domicile. Une présence douce et rassurante qui aide à dédramatiser, à mieux faire comprendre l'impact essentiel de l'alimentation sur le bien-être quotidien et à mieux vivre les traitements.

« Personne ne mange parfaitement bien et ne pas manger parfaitement bien fait partie du bien-manger », aime à rappeler Alix. Ici, pas de jugement. Qu’on boive 1,5 L de soda par jour, qu’on soit vegan ou adepte de la charcuterie, tout le monde est le bienvenu et tout peut être retravaillé pour coller aux réalités et aux plaisirs de chacun.

Et les anecdotes ne manquent pas : un ancien boulanger accro au pain (plus d'un kilo de pain par jour), un fan d’harissa devant la télé (un tube entier chaque soir), un amoureux des fromages corsés… Chaque patient est une histoire, chaque assiette un terrain d’équilibre qu'il faut ajuster en fonction des besoins, des contraintes, mais des plaisirs aussi. Alix et Maëlle exercent justement ce métier pour que le plaisir de manger ne concerne pas uniquement les personnes en bonne santé.

Le lien invisible entre soignants, cuisine et patients
Ce rôle de diététicien va bien au-delà du face-à-face avec le patient. Alix est aussi le trait d’union entre les soignants et la cuisine, une médiatrice en blouse blanche. Le menu du jour ? C’est elle qui peut ponctuellement proposer quelques ajustements, adapter les menus et les reformuler si nécessaire, en collaboration avec SODEXO.

Quand un gratin d’aubergines au quinoa et fromage risque de ne pas séduire une moyenne d’âge de 70 ans, elle intervient et trouve une autre alternative avec les cuisiniers. Et si les haricots verts n’ont pas été livrés ? Elle met à jour le logiciel. Yaourts chauds et viandes froides pour des plateaux inversés ? Elle fait tampon, apaise le stress et transmet les infos avec bienveillance aux équipes de soignants et à la cuisine. « C’est un travail de l’ombre, mais essentiel pour le confort du patient… et du personnel. » Chaque jour, elle échange avec Ludovic Jarry, chef de cuisine, et avec son second, Melvin Ensemble, ils améliorent, ajustent et surtout écoutent les retours. Un plat qui plaît, on le garde. Un flop ? On en tire les leçons.

Former, accompagner, innover
Le service diététique ne se contente pas de réagir, il anticipe. Chaque année, Alix et Maëlle forment les équipes de soins sur des thématiques clés : dénutrition, compléments nutritionnels, réflexes alimentaires adaptés, etc. Et toujours avec rigueur : les produits sont testés en amont, pesés, goûtés, comparés. Dernière trouvaille ? Des protéines en poudre invisibles dans les soupes… ou presque. Un coup de pouce calorique simple mais redoutablement efficace, surtout quand il faut éviter la fonte musculaire. Une petite machine permet d’ailleurs de mesurer la force de préhension des patients, un indicateur de leur tonus global et d'une potentielle dénutrition.

Un métier en pleine reconnaissance
Longtemps relégué à un second rôle, le métier de diététicien en milieu hospitalier prend enfin sa juste place. Un diplôme désormais en trois ans, une reconnaissance croissante dans le parcours de soins et une confiance désormais accordée par la direction de la clinique. Contrairement au terme "nutritionniste", non protégé, le titre de diététicien est strictement encadré. Au Pôle Santé République, on le pratique avec passion, humanité et exigence.

Bien manger, c’est bien plus que manger
Dans le grand ballet de l’hôpital, les diététiciens sont souvent invisibles. Pourtant, elles nourrissent bien plus que des corps : elles soignent, écoutent, réconfortent. Elles négocient, innovent, forment, adaptent… tout en pensant à cette bouchée que le patient acceptera enfin de manger avec plaisir.

Et si l’on en revient à Hippocrate, il avait bien raison : « Que ton alimentation soit ta première médecine. » À Clermont-Ferrand, Alix et Maëlle incarnent cet adage avec brio.

Alix et Maëlle