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Travaillant sur le thème de l'intelligence artificielle, le think tank du Centre scolaire Notre-Dame a organisé une conférence sur le transhumanisme, lundi 22 janvier. Médecine, éthique, immortalité et survie territoriale étaient à l'ordre du jour… pantagruélique.

Rabelais avait donc tout compris il y a cinq cents ans. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », citation star de générations d'apprentis philosophes, a plané sur la conférence sur le transhumanisme organisée par le think tank du Centre scolaire Notre-Dame, lundi 22 janvier dans le lycée privé de la rue du Cloître-Saint-Cyr. L'humanisme du génial géniteur de Gargantua n'a pas pris une ride, comme les humains qui défient le temps et la mort grâce aux évolutions spectaculaires de la médecine et de la science.

En 90 minutes, la conférence élaborée par un groupe d'élèves éclairés (voir Nevers ça me botte n°219) a proposé à un public de lycéens et d'adultes un voyage express aux étapes contrastées : présentation du Technion, l'un des hauts lieux mondiaux de la recherche fondamentale et appliquée ; maladies du côlon, coloscopie et vidéo-capsule digestive ; la révolution de la cœlioscopie dans la chirurgie viscérale ; les questions existentielles soulevées par le transhumanisme ; les effets de l'intelligence artificielle sur l'humanité et l'agglomération de Nevers.

Directrice générale du Technion France, Muriel Touaty a retracé la longue et foisonnante histoire du Technion, un campus basé à Haifa (Israël) qui compte parmi ses pères fondateurs Albert Einstein. Sur 150 hectares, 15.000 étudiants « dont 30 % d'étrangers » sont à la pointe de la recherche et de ses applications : « Israël est la start-up nation. C'est un petit pays qui fait de grandes choses, qui n'a pas de ressources naturelles et qui a très vite compris qu'il devrait s'autosuffire par l'innovation, en misant sur l'humain. » Le climat politique qui pèse sur cette partie du globe ajoute de l'urgence à cette ambition : « En Israël, quand on se lève, on ne sait pas si on va se coucher, alors non seulement on doit être bon, mais on doit être excellent, générer de l'innovation. » Le Technion France, que Muriel Touaty dirige depuis 2002, a pour objet de rapprocher les « écosystèmes » israélien et français, « a priori incompatibles », en tissant des partenariats avec de grands groupes, des universités et des collectivités - dont Nevers Agglomération.

Aux avant-postes des révolutions technologiques et scientifiques qui tombent à jets continus du Technion, Muriel Touaty a comparé le risque d'un monde dominé par l'intelligence artificielle à celui imaginé par Pierre Boulle dans La Planète des singes : " Dans notre monde dataïsé, il ne faut jamais faire l'économie de l'humain. Si l'homme ne se ressaisit pas et reste béat devant cette nouvelle ère, je crains qu'il ne perde le contrôle. »

Humain, trop humain ?

Pour passer sans transition de la recherche fondamentale aux tourments du côlon, il fallait un trait d'union : une vidéo-capsule de 3 cm, baptisée Pillcam côlon 2, qui donne une autre dimension à la coloscopie. Isabel Gaudin, coordinatrice du think tank, et Clémence Breton, l'une de ses membres, ont détaillé à deux voix les maux méconnus d'une partie du corps le plus souvent médiatisée lors des campagnes de sensibilisation au dépistage du cancer colorectal.

Chirurgienne viscérale à la clinique du Val de Loire, Bérangère Laurent-Guéry a exposé la « révolution technologique » que fut l'invention de la coelioscopie en 1968. Plus besoin d'ouvrir en grand l'abdomen pour faire un diagnostic et pour opérer : trois incisions pour faire passer une caméra et des outils chirurgicaux, et les interventions sont « moins douloureuses et plus esthétiques ». Et la création de robots en 2000 n'a pas supplanté l'expertise de l'oeil humain.

Élève de 1ère ES, étonnant d'aisance et de maîtrise d'un domaine - la philosophie - enseigné en terminale, Corentin Luce s'est attaqué sans crainte aux questions existentielles qui entourent les révolutions technologiques : « Où est la limite entre science et conscience ? Qui sommes-nous pour modifier notre corps ? » La peur de la mort qui tenaille l'humanité depuis son origine ne se contente plus d'allonger l'espérance de vie ; la quête de l'immortalité est désormais dans le viseur de start-ups : « La transformation de l'espèce a déjà commencé, homo deus exterminera homo sapiens », prophétise, avec un brin de grandiloquence, le jeune penseur du think tank.

Un enjeu de territoire

Comme il l'avait fait à l'automne lors de la rencontre sur le véhicule autonome (voir Actualité du 10 novembre), Denis Thuriot, maire de Nevers et président de Nevers Agglomération (partenaire du think tank), a conclu la conférence en reliant le thème du jour aux enjeux du territoire. Il en est ainsi des progrès de la télémédecine, qui permettent de diagnostiquer depuis Dijon un accident vasculaire cérébral à Nevers : « L'intelligence artificielle ne remplacera pas l'humain, mais elle doit permettre aux professionnels de santé de se dégager du temps. » Dans ce domaine high tech, la ruralité nivernaise n'est pas un obstacle - ou ne doit pas l'être : « Nous devons être dans le monde », insiste Denis Thuriot, évoquant l'implantation de la dronique et des objets connectés sur l'agglomération, le développement de l'Inkub et du très haut débit, l'expérimentation de la 5G. Si les innovations technologiques exigent « la maîtrise des usages », la Nièvre et Nevers ne peuvent pas se permettre d'en être écartées.

© Nevers.fr - 24-01-18 - Par Sébastien Chabard

 

© Photo Sébastien Chabard

De gauche à droite : Clémence Breton, membre du think tank ; Bérangère Laurent-Guéry, chirurgien ; Marc-Alexandre Vincent, président du think tank ; Denis Thuriot, maire ; Muriel Touaty, directrice générale du Technion France.