Les différents mécanismes de résistance aux traitements anticancéreux - Zoom sur le cancer du foie
La résistance thérapeutique constitue une des principales causes d’échec des traitements anticancéreux. Elle repose sur des mécanismes cellulaires et moléculaires complexes qui sont propres à chaque tumeur. Dans le cancer du foie, ces phénomènes sont fréquents et impactent l’efficacité des traitements systémiques actuellement disponibles.
Voici les principales formes de résistance observées dans le cancer du foie et les stratégies thérapeutiques aujourd’hui envisagées.

Qu’appelle-t-on résistance aux traitements anticancéreux ?
La résistance aux traitements désigne l’échec d’un traitement à contrôler la prolifération tumorale ou la survie des cellules tumorales. Elle peut survenir dès le début de la prise en charge (résistance primaire), ou apparaître plus tard, après une réponse initiale plutôt favorable (résistance acquise). Tous les types de traitements sont concernés, chimiothérapies, thérapies ciblées, immunothérapies, voire certains traitements locorégionaux.
En pratique, la résistance implique des modifications du comportement cellulaire qui permettent aux cellules cancéreuses de survivre à l’agression thérapeutique. Les cellules tumorales développent différents mécanismes pour échapper à l’action des traitements, via des adaptations métaboliques, génétiques, ou micro-environnementales.
Peut-on anticiper la résistance avant traitement du cancer ?
Oui, dans certains cas. L’analyse de certaines mutations (TP53, CTNNB1, MET…) ou de profils enzymatiques particuliers peut aider à choisir une stratégie plus adaptée en amont et éviter des lignes de traitement inefficaces.
Quels sont les mécanismes cellulaires de résistance au traitement anti-cancer ?
Dans le cancer du foie (carcinome hépatocellulaire), plusieurs mécanismes cellulaires sont impliqués dans ce qu’on appelle « l’échappement thérapeutique ». Ces processus peuvent être associés entre eux et peuvent évoluer au cours du traitement :
- Moins de médicaments dans la cellule : certaines cellules bloquent l’entrée du traitement ou utilisent des systèmes qui le rejettent à l’extérieur, comme la P-glycoprotéine, ce qui limite son efficacité.
- Médicament détruit trop vite : le foie produit des enzymes qui peuvent dégrader le traitement avant qu’il n’agisse.
- Cible du traitement modifiée : la cellule change la structure de la molécule visée (récepteur, enzyme…), ce qui rend le médicament inefficace.
- Survie cellulaire favorisée : certaines voies biologiques empêchent la mort programmée des cellules (apoptose), ce qui les rend plus résistantes.
- Fonctionnement cellulaire reprogrammé : les cellules modifient l’expression de leurs gènes sans changer l’ADN, grâce à des mécanismes épigénétiques.
- Capacité d’adaptation rapide : la tumeur s’adapte au traitement en changeant de comportement ou de structure.
- Présence de plusieurs types de cellules : la tumeur contient des sous-populations différentes, dont certaines sont naturellement plus résistantes que d’autres.
Une publication de Cancer Cell International (2025) montre également que le micro-environnement autour de la tumeur joue un rôle important dans la résistance. Il envoie des signaux qui freinent les défenses immunitaires, ce qui permet aux cellules cancéreuses de survivre.
La résistance aux traitements oncologique est-elle nécessairement génétique ?
Non. De nombreux phénomènes d’adaptation, sans mutation stable, peuvent suffire à induire une insensibilité aux traitements.
Pourquoi le cancer du foie est-il souvent résistant aux traitements ?
Le carcinome hépatocellulaire, qui représente la majorité des cancers primitifs du foie, est connu pour sa faible sensibilité aux traitements systémiques, notamment grâce à ses fonctions de détoxification. Plusieurs facteurs, qui sont propres à ce cancer, peuvent contribuer à cette résistance :
- Présence fréquente d’une cirrhose sous-jacente, qui limite les marges thérapeutiques
- Tolérance immunitaire hépatique, non favorable à l’immunothérapie
- Métabolisme intense du foie, qui réduit la biodisponibilité de nombreux agents
- Forte hétérogénéité génétique et phénotypique
- Cellules souches tumorales résistantes aux traitements conventionnels
Une étude menée à l’Université de Namur a par ailleurs montré que les cellules hépatiques tumorales activent des voies spécifiques en réponse aux traitements, notamment des signaux de survie et un remodelage du stroma tumoral.
Pourquoi l’immunothérapie est-elle moins efficace dans le cancer du foie ?
Le foie est un organe naturellement immunotolérant : il limite l’activation des lymphocytes T pour éviter des réactions inflammatoires excessives face aux antigènes alimentaires ou microbiens. Dans le cancer du foie, ce microenvironnement immunosuppresseur peut freiner l’efficacité des immunothérapies, comme les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire.
Quels sont les traitements systémiques pour un cancer du foie résistant ?
Le traitement systémique peut être la seule option de traitement chez les patients atteints de cancer du foie non opérable. L’équipe du Centre de cancérologie Les Dentellières adapte la stratégie thérapeutique à chaque situation, en fonction du profil tumoral, de la réserve hépatique, et des biomarqueurs identifiés et après discussion en RCP. On distingue 3 grandes catégories :
Thérapies ciblées du cancer du foie
Ces traitements visent certaines protéines impliquées dans la croissance des cellules tumorales ou la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse). Ils sont proposés en première ou deuxième ligne, selon la réponse initiale. L’échec de ces traitements est souvent lié à des mutations secondaires ou à l’activation de voies de contournement, selon Frontiers in Medicine, 2023.
Immunothérapie du cancer du foie
Elle stimule les défenses immunitaires contre la tumeur. Certaines associations thérapeutiques sont aujourd’hui validées en première ligne. Toutefois, l’efficacité peut être limitée dans le cancer du foie, en raison du caractère immunotolérant propre à cet organe.
Traitements locorégionaux complémentaires
Lorsque la tumeur reste limitée, des options comme la radio-embolisation (injection de microbilles radioactives dans les vaisseaux tumoraux) ou la radiothérapie stéréotaxique (irradiation très ciblée) peuvent être proposées, parfois en complément d’un traitement systémique. Des travaux précliniques (PMC, 2024) ont aussi révélé que certaines lignées de cellules hépatiques développent une chimiorésistance rapide à la doxorubicine ou au sorafenib.
Comment contourner la résistance aux traitements dans le cancer du foie ?
Plusieurs méthodes sont étudiées pour éviter l’échec des traitements du cancer du foie. Des associations thérapeutiques, comme celles qui combinent immunothérapie et anti-angiogéniques, visent à bloquer plusieurs voies tumorales simultanément. La personnalisation des protocoles, selon les mutations ou profils moléculaires de la tumeur, permet par ailleurs d’orienter le choix des médicaments en amont.
Une surveillance rapprochée (avec biomarqueurs, biopsies liquides, et imagerie) aide à détecter précocement une éventuelle progression afin d’ajuster le traitement avant même l’apparition de symptômes.
Enfin, plusieurs pistes sont en cours d’évaluation, dont les inhibiteurs de la réparation de l’ADN, les agents ciblant les cellules souches tumorales ou modulant le micro-environnement, ou encore les biomarqueurs tumoraux spécifiques (ex. : certains récepteurs olfactifs). Certaines sont encore en phase préclinique, d’autres sont intégrées à des essais cliniques.
Un traitement anticancéreux peut-il être réutilisé après un échec ?
Oui. Une réintroduction peut être envisagée, notamment si la résistance était partielle ou transitoire. On parle alors de rechallenge. Une évaluation en RCP est cependant nécessaire avant sa réintroduction.
Article écrit le 22/10/2025, vérifié par l'équipe oncologie des Dentellières
