Déséquilibre du microbiote intestinal et cancer colorectal
Le cancer colorectal résulte souvent de la transformation progressive de polypes adénomateux en tumeur maligne. Plusieurs études récentes mettent en évidence le rôle du microbiote intestinal dans ce processus. Non seulement certaines altérations bactériennes favoriseraient l’apparition de la tumeur, mais elles influenceraient aussi son évolution et la réponse aux traitements.
Au Centre Finistérien de Radiothérapie et d’Oncologie, ces données sont analysées en RCP afin d’adapter au mieux la prise en charge des patients atteints de cancer colorectal.

Quel est le rôle du microbiote intestinal ?
Le microbiote intestinal regroupe des milliards de micro-organismes vivant dans notre tube digestif, principalement le côlon. Il comprend des bactéries, virus, levures, protozoaires et champignons. Cet écosystème est propre à chacun et se met en place dès la naissance. Un microbiote intestinal en bonne santé :
- Participe à la digestion des fibres
- Fermente les résidus alimentaires, produisant des acides gras bénéfiques
- Produit certaines vitamines (K, B9…)
- Régule l’immunité intestinale
- Maintient l’intégrité de la barrière muqueuse
Sa composition varie selon l’âge, le mode de vie et surtout l’alimentation. Un régime riche en fibres favorise une flore protectrice. À l’inverse, une alimentation riche en produits transformés et viande rouge favorise une flore déséquilibrée, dominée par des espèces pro-inflammatoires : on parle de dysbiose intestinale. Une alimentation déséquilibrée peut profondément perturber l’équilibre du microbiote. Cette dysbiose fragilise la barrière intestinale, ce qui permet à des molécules pro-inflammatoires de traverser la muqueuse et d’entrer dans la circulation sanguine.
Elle favorise également une inflammation chronique de bas grade au niveau du côlon, tout en affaiblissant les capacités de détection et d’élimination des cellules anormales par le système immunitaire. Ces perturbations créent un environnement propice au développement de maladies chroniques (comme le diabète de type 2), de certaines maladies auto-immunes, mais aussi du cancer colorectal.
À savoir : Une alimentation variée, un bon transit et une activité physique régulière permettent de stabiliser la diversité bactérienne intestinale.
Un microbiote intestinal déséquilibré favorise-t-il l’apparition du cancer colorectal ?
De nombreuses données épidémiologiques et expérimentales établissent désormais un lien entre déséquilibre du microbiote et cancer colorectal. Le processus tumoral commence généralement par la transformation d’un polype adénomateux en tumeur maligne (dans 95 % des cas, le cancer colorectal se développe à partir d’un polype bénin). Une flore bactérienne altérée peut influencer ce processus de plusieurs façons :
- La production de substances génotoxiques (colibactine, acide désoxycholique…)
- L’activation de voies inflammatoires chroniques
- La perturbation de la régulation de l’apoptose cellulaire
La qualité du microbiote pourrait donc directement influencer la probabilité qu’il dégénère vers une lésion maligne. Selon la Ligue contre le cancer, ces mécanismes augmentent le risque de transformation des lésions précancéreuses en cancer, en particulier chez les personnes à risque (antécédents familiaux, polypes, maladies inflammatoires de l’intestin). Un microbiote pro-inflammatoire favorise aussi l’installation d’un environnement propice à la mutation des cellules épithéliales.
Par ailleurs, la présence de biofilms bactériens adhérant à la muqueuse intestinale entretient une inflammation locale, qui favorise l’initiation tumorale. Une étude publiée dans PNAS en 2022 et menée par des équipes de l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP), de l’Université Paris-Est Créteil, de l’INSERM et de l’Institut Pasteur, a mis en évidence un lien entre dysbiose intestinale, modifications épigénétiques et risque de cancer colorectal.
Ces recherches ont conduit à la conception d’un test sanguin non invasif, validé chez plus de 1000 personnes, qui est capable de détecter une signature associée à ce déséquilibre microbien.
Quelles bactéries intestinales sont impliquées dans la progression du cancer colorectal ?
Certaines espèces bactériennes sont désormais bien identifiées comme potentiellement à risque :
- Fusobacterium nucleatum : stimule la prolifération des cellules cancéreuses via les voies β-caténine et NF-kB
- Escherichia coli (souche B2) : produit la colibactine, toxine génotoxique responsable de modifications de l’ADN
- Bacteroides fragilis entérotoxique : génère une inflammation chronique locale
Ces bactéries peuvent non seulement favoriser l’apparition du cancer, mais aussi en accentuer l’agressivité. Une dysbiose persistante pourrait ainsi contribuer à l’invasion tumorale, à la formation de métastases, ou à une baisse d’efficacité des traitements.
- Lire notre article sur le traitement des cancers colorectaux métastatiques
Néanmoins, toutes les souches de ces espèces ne sont pas pathogènes. C’est leur combinaison, leur charge, leur localisation dans le côlon et leur interaction avec le système immunitaire qui déterminent leur influence sur la progression du cancer colorectal.
Les probiotiques peuvent-ils réduire le risque de cancer ? Certaines souches pourraient en effet limiter la prolifération des espèces pathogènes. Mais les preuves cliniques restent limitées à ce jour.
Cancer colorectal : quel est l’impact du microbiote sur le traitement oncologique ?
Le microbiote intestinal peut influencer la tolérance, l’absorption et l’efficacité des traitements anticancéreux :
- Chimiothérapie: la dysbiose altère l’activation enzymatique de certains médicaments
- Toxicité digestive : le risque de mucites ou colites est augmenté
- Immunothérapie : une flore diversifiée favorise l’activation des lymphocytes T
Au Centre Finistérien de Radiothérapie et d’Oncologie, ces éléments sont pris en compte pour adapter les traitements. Un suivi nutritionnel, une évaluation digestive et parfois une intervention sur le microbiote peuvent être envisagés.
Une antibiothérapie peut-elle impacter l’efficacité des traitements contre le cancer colorectal ?
Oui. Plusieurs études suggèrent que l’utilisation d’antibiotiques (surtout de manière prolongée) peut altérer la composition du microbiote intestinal et diminuer la réponse aux immunothérapies, notamment chez les patients traités pour des cancers solides (qui se développe dans un organe ou un tissu), comme le cancer colorectal.
De nouvelles approches sont à l’étude avec l’administration de souches bactériennes spécifiques, de prébiotiques ou même de transplantation fécale. Ces techniques visent à restaurer un microbiote favorable à une meilleure réponse thérapeutique. Leur efficacité reste cependant à confirmer, surtout pour les éventuels effets secondaires à long terme.
Article écrit le 21/10/2025, vérifié par l'équipe oncologique du CFRO
