Kyste pilonidal : utilisation de lambeau perforant
Le docteur Frédéric HOLLARD KISSEL, Chirurgien plastique, reconstructeur et esthétique (Polyclinique Majorelle) revient sur le traitement par lambeau perforant pour couverture de kystes saccro-coccygiens, dans la nouvelle Lettre « Clinique info du Grand Nancy » (n°32, septembre 2023). Cet article aborde les résultats obtenus chez 8 patients (sept hommes et une femme âgés de 18 ans à 43 ans) qui présentent un kyste pilonidal récidivant traité par exérèse cutanée et couverture par lambeau de transposition axé sur des artères perforantes para-sacrées. Sans récidive à plus d’un an.
Guérison complète de huit patients
« Notre suivi de deux ans a montré une guérison complète des 8 patients traités » , écrit le docteur Frédéric HOLLARD KISSEL, chirurgien plastique, reconstructeur et esthétique (Polyclinique Majorelle).
Lambeau fascio-cutané
La prise en charge des kystes pilonidaux récidivants entraîne une perte de substance qu’il est nécessaire de traiter sous peine de voir apparaître des séquelles cicatricielles. Le lambeau fascio-cutané de transposition vascularisé par des perforantes para-sacrées nous paraît approprié. Notre technique exclut une dissection fine du pédicule qui pourrait endommager les vaisseaux perforants. Elle est donc accessible à tous les chirurgiens sous réserve d’un court apprentissage du repérage doppler.
Le lambeau fascio-cutané devient la technique de référence dans notre service pour les séquelles de kystes sacro-coccygiens récidivants et pourrait probablement trouver d’autres indications comme les couvertures d’escarres chez des patients aux comorbidités plus lourdes.
Kyste sacro coccygien
La maladie pilonidale est une affection fréquente qui survient chez l’adulte jeune et l’adolescent (1). Les kystes pilonidaux sont habituellement traités par excision puis cicatrisation dirigée ou fermeture directe à distance d’un épisode infectieux. Une cicatrice instable n’est pas rare chez les patients multi-opérés (équivalent d’une bride inter-fessière), associée ou non à une authentique récidive (2).
Méthode idéale
Cette séquelle cutanée engendre une morbidité importante (douleur, suintement, inconfort) et donc des conséquences sociales majeures chez une population souvent jeune. La méthode de traitement idéale doit associer un faible taux de récidive avec une excision minimale. Une reprise chirurgicale avec apport d’un tissu sain est donc nécessaire pour remplacer cette perte de substance.
Techniques de fermeture
Plusieurs techniques de fermeture ont été décrites pour éviter la formation de cette bride inter-fessière, mais peuvent être jugées inappropriées car trop lourdes :
- lambeau de muscle grand fessier (3 et 4)
ou moins fiables :
- lambeau latéro-losangique (5)
Le développement récent des lambeaux perforants permet une alternative avantageuse dans cette situation (6). Ainsi l’utilisation d’un lambeau fascio-cutané basé sur les perforantes para-sacrées est développée depuis 10 ans en raison de sa flexibilité et d’un taux faible de complication. (7)
Huit patients
Huit patients ont bénéficié de cette technique dans notre service en association avec le service de chirurgie digestive et viscérale. Tous présentaient une cicatrice instable suite à des kystes récidivants multi-opérés par excision puis fermeture directe ou cicatrisation dirigée. Ils ont bénéficié d’un nouveau temps d’exérèse suivi d’une reconstruction par lambeau de transposition axé sur des perforantes para-sacrées (un seul opérateur : T. B.-B.). La série comprend sept hommes et une femme âgés de 18 ans à 43 ans (médiane 25 ans). Les patients étaient pris en charge à distance d’une poussée infectieuse (au moins 3 mois).
Traitement : chirurgie
Les perforantes para-sacrées sont marquées par un echodoppler artériel audio la veille. L’intervention est réalisée sous anesthésie générale. Une antibioprophylaxie par CE-FAZOLINE 2 g est instaurée. Le patient est installé en décubitus ventral. Le dessin de la zone de résection en fuseau emportant les ulcérations est tracé ainsi que le dessin du lambeau qui doit être oblique en bas et en dehors (axe à 16h ou 20h sur le cadran horaire) et de surface comparable à la taille de la zone de résection (notamment la longueur à partir du point pivot représenté par le repérage de la perforante dominante).
Kyste ou sinus pilonidal : comment bien cicatriser
L’excision de la zone cicatricielle est effectuée jusqu’au fascia présacré (emportant un éventuel kyste résiduel). Les bords du lambeau sont ensuite incisés jusqu'à l’aponévrose du muscle grand fessier qui est également incluse. Le lambeau est levé de latéral en médial jusqu'à environ 2 cm du pédicule choisi sans chercher à disséquer ce dernier. L’absence de dissection limite la rotation et donc nécessite un dessin plus vertical que les techniques décrites par différents auteurs. L’aponévrose musculaire est également incisée au-dessus du point pivot pour faciliter la rotation. Le lambeau subit ensuite une rotation pour combler le defect, puis est suturé par quelques points sous-cutanés de fils résorbables lents et par des points de Blair-Donaty non résorbables sur un drain de Redon en aspiration. Le site donneur pouvait à chaque fois être fermé directement.
Anticoagulant
Un décubitus latéral est conseillé en post-opératoire pour une durée de 2-3 semaines associée à une prophylaxie de la maladie thromboembolique par anticoagulant préventif LOVENOX 0,4ml par jour pendant la durée d’hospitalisation.
Antibiotique
Une antibiothérapie post-opératoire par AUGMENTIN 1g 3 fois par jour est associée pour une durée de 5 jours.
Critères d’évaluation : cicatrisation, complications, satisfaction.
Résultats
✍️ À noter : Tous les lambeaux ont survécu sans nécrose. Un patient a présenté une désunion cicatricielle sur le site donneur du lambeau traitée par cicatrisation dirigée associée à une supplémentation hyper-protéinée orale. Un autre patient a présenté un hématome à la pointe du lambeau traité par lâchage de 2 points de suture, évacuation et cicatrisation. Aucun patient n’a nécessité de nouvelle intervention. Les patients étaient tous satisfaits des suites opératoires, des qualités esthétiques résiduelles de la fesse et de la rançon cicatricielle. Aucun cas de récidive n’a été constaté pour le moment à deux ans après la chirurgie.
Discussion
L’exérèse d’un kyste laisse place à un defect volumineux d’autant plus que les chirurgies répétées entraînent la formation d’un tissu cicatriciel rétractile qu’il est nécessaire de remplacer par du tissu épais et de bonne qualité. Il existe de nombreuses méthodes de couverture des kystes : cicatrisation dirigée suivie d’une greffe de peau, lambeau au hasard de transposition type latéro-losangique, plastie d’avancement en V-Y (8) ou, plus délétère, un lambeau de muscle grand fessier (9). Le développement récent des lambeaux perforants ouvre de nouvelles possibilités de couverture.
- Ho Quoc et al. ont proposé un lambeau perforant de rotation-avancement basé sur l’artère glutéale supérieure respectant les sous-unités esthétiques de la fesse. (10)
- L’équipe de Koshima et al. a étudié l’anatomie des perforantes dans la région fessière, ce qui a permis le développement de ce lambeau basé sur les artères para sacrées. (11)
Huit cas ont été réalisés dans notre service avec succès et sans récidive à plus d’un an.
Ce lambeau a l’avantage d’être fiable et peut couvrir de grandes pertes de substance. Les dimensions du lambeau peuvent être considérables ( jusqu’à 16 x 20 cm (20) selon Meltem et al).
La vascularisation est constante est provient de perforantes issues de l’artère sacrée latérale. Elle est donc plus fiable que pour un lambeau au hasard du fait d’une base anatomique vasculaire. Les vaisseaux mesurent 3 à 8 cm pour 1 à 1,5 mm de diamètre. (12)
Il ne nécessite aucun sacrifice musculaire contrairement au lambeau de muscle grand fessier qui est un geste chirurgical lourd nécessitant une hospitalisation prolongée et des suites compliquées (moyenne d’hospitalisation de 22,5 jours dans la série de 34 patients de Aggarwal et al. (13)). Il permet de préserver l’intégrité de la fonction musculaire surtout chez des patients jeunes et autonomes.
Par ailleurs, dans une étude portant sur 45 cas de lambeaux fascio-cutané et lambeaux musculo-cutané, Yamamoto a démontré que les résultats étaient meilleurs et un taux de récidive moins élevé sur le long terme avec un lambeau fascio-cutané plutôt qu’avec un lambeau musculaire (14). La cicatrice est plus importante que pour une plastie au hasard type LLL, cependant l’absence de traction cutanée n’entraine pas de déformation de la fesse.
La fermeture du site donneur se fait sans tension et sur un tissu musculaire intact. Par ailleurs, du fait des faibles comorbidités associées au geste, celui-ci pour- rait être étendu aux patients dont l’état général est altéré, contre-indiquant tout geste lourd.
- L’avantage de cette technique par rapport aux autres études (11,12,14–19) sur ce lambeau perforant est l’absence de dissection et de squelettisation du pédicule. Ceci permet une dissection plus facile et la levée d’un lambeau plus fiable d’un point de vue vasculaire sans gêner la rotation de celui-ci et sans problème quant à la longueur du pédicule. Une à deux artères perforantes pouvaient ainsi être incluses.
- Les inconvénients sont une cicatrice plus longue située sur la fesse ainsi que la transposition d’un lambeau insensible. Ce type de lambeau est non innervé mais peut récupérer une sensibilité du fait d’une innervation périphérique (15).
Notes & références
1. Søndenaa K, Andersen E, Nesvik I, Søreide JA. Patient characteristics and symptoms in chronic pilonidal sinus disease. Int J Colorect Dis. 1 févr 1995;10:39 42.
2. Binder J P, Revol M, Servant J M. Suppurations chroniques : kyste pilonidal. EMC Techniques chirurgicales Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique. janv 2007;2:1 4.
3. Duquennoy Martinot V, Le Pendeven R, Patenôtre P, Ca libre C, Guerreschi P. Le lambeau fessier inférieur libre en reconstruction mammaire : analyse des résultats de 69 lambeaux. Annales de Chirurgie Plastique Esthétique. déc 2010;55:512 23.
4. Flamein R, Slim K, Grandjean J P. Chirurgie du sinus pilo nidal : quelle technique choisir ? Annales de Chirurgie. oct 2005;130:573 6.
5. Mikou I, Tourabi K, Tahiri H, El Barni R, Laraqui H, Ehirchiou A, et al. Étude prospective de l’utilisation du lambeau LLL comme traitement du sinus pilonidal. Résultats préliminaires. Journal de Chirurgie Viscérale. déc 2010;147:473 6.
6. Binder J P, Servant J M, Revol M. Lambeaux perforants. EMC
Techniques chirurgicales Chirurgie plastique reconstruc trice et esthétique. mai 2012;7:1 12.
7. Boucher F, Mojallal A. Atlas des artères perforantes de la peau du tronc et des membres – Guide dans la réalisation des lambeaux perforants. Annales de Chirurgie Plastique Esthétique. déc 2013;58:644 9.
8. Schoeller T, Wechselberger G, Otto A, Papp C. Definite sur gical treatment of complicated recurrent pilonidal disease with a modified fasciocutaneous V Y advancement flap. Surgery. 121:258 63.
9. Darwish AMA, Hassanin A. Reconstruction following excision of sacrococcygeal pilonidal sinus with a perforator based fasciocutaneous Limberg flap. Journal of Plastic, Recons tructive & Aesthetic Surgery. juill 2010;63:1176 80.
10. Ho Quoc C, Boucher F, Meeus P, Boespflug A, Neidhart EM, Delay E. Reconstruction fessière esthétique fiabilisée par une artère perforante glutéale. Annales de Chirurgie Plastique Esthétique. août 2013;58:347 51.
11. Koshima I, Moriguchi T, Soeda S, Kawata S, Ohta S, Ikeda A. The gluteal perforator based flap for repair of sacral pres sure sores. Plast Reconstr Surg. avr 1993;91:678 83.
12. Garrido A, Ali R, Ramakrishnan V, Spyrou G, Stanley PRW. Reconstruction of the natal cleft with a perforator based flap. British Journal of Plastic Surgery. déc 2002;55:671 4.
13. Aggarwal A, Sangwan SS, Siwach RC, Batra KM. Gluteus maximus island flap for the repair of sacral pressure sores. Spinal Cord. juin 1996;34:346 50.
14. Yamamoto Y, Tsutsumida A, Murazumi M, Sugihara T. Long Term Outcome of Pressure Sores Treated with Flap Coverage: Plastic and Reconstructive Surgery. oct 1997;100:1212 7.
15. Korambayil P, Allalasundaram K, Balakrishnan T. Perforator propeller flaps for sacral and ischial soft tissue reconstruction. Indian Journal of Plastic Surgery. 2010;43:151.
16. Tada, M. Hatoko, A. Tanaka, M. Kuwa H. Experiences of the reconstruction of sacral pressure sores with the parasacral perforator based island flap. European Journal of Plastic Surgery. 1 avr 2002;25:17 20.
17. Venus M, Titley O. Outcomes in the repair of pilonidal sinus disease excision wounds using a parasacral perforator flap. The Annals of The Royal College of Surgeons of England. mars 2012;94:12 6.
18. Chaput B, Herlin C, Jacques J, Berthier C, Meresse T, Bekara F, et al. Management of Pilonidal Sinus Disease with the Aesthetically Shaped Parasacral Perforator Flap: Multi center Evaluation of 228 Patients. Plast Reconstr Surg. oct 2019;144:971 80.
19. Lin C T, Chen S Y, Chen S G, Tzeng Y S, Chang S C. Parasacral Perforator Flaps for Reconstruction of Sacral Pressure Sores: Annals of Plastic Surgery. juill 2015;75:62 5.
20. Meltem C, Esra C, Hasan F, Ali D. The gluteal perforator based flap in repair of pressure sores. Br J Plast Surg. juin 2004;57:342 7.
Vos questions fréquemment posées
Kyste pilonidal : symptômes ?
On remarque une inflammation à l'endroit où se situe le kyste pilonidal. On peut constater une rougeur. En outre, le kyste peut se remplir de pus et se percer.
Kyste fessier, que faire ? traitement sans opération ? pansement ?
Deux traitements sont envisagés pour le kyste pilonidal.
- Le premier concerne des kystes de moindre importance. On propose souvent une exérèse.
- Mais s'il s'agit d'une maladie chronique ou si la zone s'infecte de façon régulière, il est conseillé de consulter pour envisager une opération.
Article écrit le 10/10/2023, vérifié par Dr Frédéric HOLLARD KISSEL, Polyclinique Majorelle Elsan